La médiation est-elle un mode alternatif de règlement des conflits ?

La discussion n’a pas été engagée sur ce terrain-là. Pour quelle raison dit-on que la médiation est une alternative ? Alternative à quoi ?

Tout un chacun a adopté l’idée que la médiation est une alternative, parce que le discours officiel est passé par là, sous l’influence anglo-saxonne. L’idée fausse que la médiation a été initiée aux Etats-Unis à un ancrage fort.

Je vous propose de revisiter les certitudes sur cette idée. Pour cela, êtes-vous prêt à revisiter la définition du mot alternative ?

Une alternative a deux définitions, soit c’est une autre voie, soit c’est deux possibilités.

  • Dans le cas d’une autre voie, il peut y en avoir plusieurs autres voies. Par exemple, si l’on prend la médiation comme autre voie par rapport au recours au système judiciaire, il peut y avoir aussi de multiples pratiques de négociation assistée, de la conciliation, avec des moments de rappel à des règles morales, des conseils juridiques ou des modélisations psychosociales, de la concertation. Ou des mélanges de tout cela. Les alternatives sont nombreuses dans ce style. Elles consistent à maintenir le principe de la mise sous tutelle des parties dès lors qu’elles ont déclaré un différend devant des tiers juridiques. Dans ce cas, la médiation désigne un processus où « tout tiers » intervient dans l’objectif d’aide au règlement du litige. En fait, en termes d’autres voies, il s’agit de privatiser tout ou partie de l’intervention, par rapport à l’institution d’Etat qui est sur financements publics. C’est ce que l’on peut constater de l’inspiration anglosaxonne et plus spécifiquement américaine de la médiation, en tant que mode alternatif de règlement des conflits ; c’est cependant la pratique « gestionnaire des différends ».
  • Dans l’idée des deux possibilités, il convient de définir ce qu’est la médiation. Nous constatons d’abord qu’il existe des formes de médiation, citées précédemment, qui restent dans le champ traditionnel des pratiques « gestionnaires des conflits ». Celles-ci ne constituent pas une seconde possibilité. Elles restent dans la pratique de l’intervention d’un tiers présent en tant que tutelle des parties. Une autre forme de médiation s’est développée en France, la médiation professionnelle, en lien avec l’affirmation de la nouvelle profession de médiateur. L’instrumentation est celle de l’ingénierie relationnelle, avec des processus structurés (l’expression a été reprise par les rédacteurs de la directive européenne, puis par les législateurs des pays membres). L’intervention de ce médiateur professionnel consiste à maintenir, rétablir, ou stimuler l’usage de la liberté de décision qui a présidé dans l’accord initial dont la relation s’est dégradée. Cette médiation-là n’est pas une alternative, elle est une poursuite. C’est le maintien ou le rétablissement de la même démarche de la libre entente, avec comme nuance qu’elle est assistée par un tiers compétent en matière relationnelle. Dans cette perspective, sous cet angle-là, celui d’une posture de réalité, c’est le recours au système judiciaire qui est une véritable alternative, puisqu’il suppose une autre conception des choses. En l’occurrence, le recours au judiciaire consiste dans une rupture avec la liberté de décision. Il entraîne une privation de la libre réflexion, et place les parties qui s’opposent, sous la tutelle d’un ensemble de tiers : avocats, greffiers, police, magistrats, jusque dans le futur de l’arbitrage qui sera prononcé. Même l’accord de la médiation s’il est pris dans le judiciaire avec une homologation, est une sanction contre la liberté de décision.

Alors, c’est ainsi qu’il conviendrait de promouvoir la médiation, non pas comme une alternative, mais comme une voie de liberté, tandis que le système judiciaire est l’alternative privative de liberté.

 

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